Lettre Z : zoom sur...

Vecchiano



La Toscane est une des vingt régions d'Italie, elle inclus une ville métropolitaine*- Florence - et neufs provinces : Arezzo, Grosseto, Livourne, Lucques, Massa et Carrare, Pistoia, Prato, Sienne et Pise.

Trente sept communes, dont Vecchiano, composent la province de Pise dont Pise est la capitale provinciale, les trois villes les plus importantes sont Pise, Cascina et San Giuliano Terme.

Vecchiano

Si mon nono Rinaldo est né à Pise de parents pistoiesi, ma nonna Luisa à Gênes (mais d'une vieille famille vecchianese) , par contre Vecchiano est le village natal de mon père.

C'est le village où chaque année, pendant près de 20 ans, j'ai passé mes vacances d'été et c'est aussi là que se sont établis mes ancêtres « coloni » dés 1800, des générations de tailleurs de pierre, de pêcheurs et de journaliers depuis 1750 et certainement avant, c'est le berceau de la majeure partie de mes ancêtres italiens*.

Tout comme Metz est ma ville de cœur* celle où j'ai grandi, Vecchiano lui, est mon village de cœur celui de moments enchantés, une fois l'an, où je renouais le lien avec mes racines italiennes. Le seul lieu où je pouvais enfin entendre, apprendre et laisser couler de ma bouche cette merveilleuse langue qu'est l'italien. En France à la maison, on ne parlait que français, peut-être parce que ma mère était française mais surtout parce que mon père en avait décidé ainsi : en France on parle français et rien d'autre, point final !

Vecchiano est une petite commune d'environ 12 000 habitants*, elle s'étend sur 67 km2 entre monts pisans et rives du Serchio. Située au nord de Pise en bordure du Parc Naturel de Migliarino, la ville inclis quatre "frazioni" (hameaux)* et quatre paroisses*. A 15 km du centre, la plage, marina di Vecchiano, appartient au territoire communal.

Depuis l'Antiquité une vaste zone marécageuse qui débouche sur le lac Massaciuccoli a participé à la subsistance des habitants : pêche, chasse, coupe du roseau, pâtures... Déjà au XVIIème siècle les ducs de Toscane avaient entrepris de grand travaux de bonification des terres marécageuses, ces travaux se sont poursuivis jusqu'au milieu du XXème siècle, augmentant ainsi considérablement la surface des terres cultivables et limitant les inondations dues aux crues du fleuve Serchio.

Capanno et bilance au "padule"
Capanno et bilance au "padule"

Mais jusque dans les années 70, on allait encore au « padule » c'est à dire au marais. Là bon nombre d'habitants avaient des petits cabanons rudimentaires de bois et tôles,les « capanni» ils étaient répartis sur de très petites îles qui parsemaient le marais, parfois sur pilotis, on y accédait en barque et là on y passait la journée, voir la nuit, à chasser et pêcher au filet*, j'y accompagnais souvent mon grand-père. Cette pratique a pris fin à la constitution du parc naturel en 1979, l'état ayant repris possession des droits concédés par coutume.

La plage, marina di Vecchiano, était un « haut lieu » des contacts sociaux... tout le monde se connaissait et même ceux qui n'étaient pas des habitués étaient inclus dans les conversations. On y passait des journées entières en famille, au sens large du terme !

Après 40 ans, j'entends encore ce cri « Bombolini, schiacciatine, pizze , ecco Mario! » vers quatre heures, les enfants se regroupaient et filaient vers le marchand ambulant. Mario une institution, il parcourait la plage avec ses paniers débordant de bonnes choses, il n'était pas tout jeune Mario, la peau tannée par le soleil, c'était un vieux, au moins 50 ans... moi j'avais 8 ans ! Le soir venu, mon nonno venait ravauder ses filets de pêche au bord de l'eau, j'observais fascinée le va et vient de la navette qui passait de maille en maille en un geste ancestral.

Marina di Vecchiano
Marina di Vecchiano
Le cacciucco
Le cacciucco
La torta co'bischeri
La torta co'bischeri

Vecchiano, c'est aussi le lieu de mes premières expérimentations culinaires. Avec ma nonna j'ai découvert la cuisine familiale toscane : cacciucco alla livornese, minestra di fagioli, polpetine et torta co'bischeri*. La torta , on ne la faisait que lorsque ma famille arrivait, à cette époque le sucre, le chocolat et le café, entre autres, étaient encore très chers en Italie et mes parents en ramenaient de France par cartons.


Avec ma grand-mère j'allais acheter le reste des ingrédients dans une minuscule épicerie, aussi sombre qu'une grotte, vous savez celle à l'odeur si particulière, où l'on trouvait toutes sortes de produits dans de grands sacs de toile de jute, des charcuteries de paysan accrochées au plafond qui s'achetaient à « l'etto », les grosses bonbonnes d'huile d'olive et de vin d'où on faisait remplir sa bouteille ou son fiasco paillé. Je me souviens encore de toutes ces dames, jeunes et vieilles mêlées qui passaient des heures à « fare la spesa *» en discutant ferme et s'échangeant les potins du quartier autour des sièges où poser une fesse ! Il y en avait des dizaines dans le village, bien sûre aujourd'hui elles sont toutes fermées.

La place de l'église était omniprésente dans la vie de ma grand-mère comme dans celle de la plus part des femmes de sa génération. Je l'accompagnais à la messe, les cheveux couverts d'une mantille de dentelle -au grand damne de ma mère- moi, évidemment j'adorais : je me prenais pour une princesse !

A la nuit tombée, les trottoirs étroits se peuplaient, on sortait les chaises sur le pas de la porte pour les femmes et les vieux, les enfants s'égaillaient, toujours à portée de vue de la mamma..Les hommes eux, partaient au « club » refaire le monde en jouant aux cartes. En fait, ils allaient au bistrot, chaque café du village était le siège attitré d'un parti politique et on se regroupait dans l'un ou l'autre en fonction de ses opinions malgré que la mixité politique soit la norme et quand bien même on était communiste rien n'empêchait de retrouver des amis au « club » social démocrate !

Cinéma et théatre Olimpia
Cinéma et théatre Olimpia
Vecchiano, vue d'ensemble
Vecchiano, vue d'ensemble

Au bout d'un mois parfois deux, arrivait toujours trop vite le jour du grand retour en France. La veille du départ il fallait aller saluer toute la parentèle et surtout n'oublier personne au risque d'un drame !

« J e vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître... », aujourd'hui une bonne partie de tout cela a disparu : à la place de la maison de mes grands-parents il y a une salle de sport, d'autres ont été détruites faisant place à de grande villas,les clubs ont été remplacés par des bar à cocktails et des trattorie et les enfants ne courent plus dans les rues.

Le soir, la place du village, si vivante alors, est déserte et les personnes que j'ai évoquée ne sont plus... restent les souvenirs.


Notes

*Mes arrières grands-parents et ascendants sont de Pistoia.

*Une ville métropolitaine (ou cité métropolitaine) est une collectivité territoriale italienne créée en 2014, constituée autour d'une grande ville et qui s'est substituée à une province.

*ancêtres italiens, voir article lettre R

*Metz, voir article lettre Y

*sa population a évoluée de 5900 habitants en 1860, à 8900 en 1960 et 12 366 en 2011.

*le parc naturel de Migliarino s'étend le long de la côte des provinces de pise et Lucca comprenant les municipalités de pise, Viareggio, San Giuliano Terme, Vecchiano, massarosa et Livourne. Il comprend également la lac Massaciuccoli, estuaires serchio, Arno et bras mort, l'ancien domaine présidentiel San Rossore, forêts de Tombolo, la Migliarino et Macchia Lucchese, et il gère l'aire marine protégée.

*paroisses de Vecchiano : san Frediano, sant'Alessandro, san Maurizio pour Filettole et santa Cristina.pour Avane.

*cacciucco alla livornese : une soupe de poisson ressemblant à la bouillabaisse.

*minestra di fagioli : soupe au haricots

*polpetine : boulettes de viande

*torta co'bischeri:spécialité régionale, tarte au chocolat, riz et fruits confits

*fare la spesa : faire les courses

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