Lettre V : vignerons

Les vignerons du pays messin au XVIII ème siècle.

Vigneron... parmi mes ancêtres, un bonne centaine exerce ce métier et quelques vigneronne aussi , la plus part soit en Moselle soit en Meurthe et Moselle, ceux du pays messins étant les plus nombreux. Dans les recensements, ce terme regroupe diverses catégories de travailleurs de la vigne, du petit manouvrier au grand fermier. Ce n'est pas le rang social qui fait le vigneron, c'est le savoir-faire, la connaissance de la vigne et du métier.

Un peu d'histoire

L'histoire des vins de Moselle, riche et ancienne,remonte à l'époque romaine. La Cité de Trèves a joué un rôle moteur dans l'expansion de la vigne le long des cours d'eau principaux en France, en Allemagne, et au Luxembourg, ainsi que dans la région de Metz.

Les côtes de Meuse et de Moselle, les coteaux de Nancy ont représenté jusqu'à 48 000 hectares de vignes en production.

Pour le seul département de la Moselle, on compte 55 communes viticoles : Ancy-Dornot, Ars-sur-Moselle, Contz-les-Bains, Féy, Jussy, Haute-Kontz, Lessy, Lorry-Mardigny, Marange-Silvange, Marieulles, Novéant-sur-Moselle, Plappeville, Rozérieulles, Scy-Chazelles, Sierck-les-Bains, Vaux, Vic-sur-Seille.

En ce qui concerne le pays messin, en 1728 près de 300 hectares de vigne appartiennent au terroir de Metz, sur près de 2 000 hectares pour le pays messin tout entier. En 1806, on recense 942 propriétaires de vignes domiciliés à Metz.

Le terroir

D'héritage en héritage, les parcelles  se sont réduites, surtout aux abords immédiats de la cité. Dans les villages plus éloignés, les surfaces étaient plus importantes,mais ne dépassaient guère les 20 à 25 mouées* . Le terme de vigneron recoupait dans le Pays messin des situations très différentes allant du propriétaire récoltant au petit ouvrier agricole en passant par le fermier ou le métayer.

Les vignerons du pays messin



Dans le Pays messin les gros propriétaires résident en ville et font exploiter leurs terres par d'autres, fermiers ou métayers. Les maisons conventuelles qui possèdent de grandes surfaces de terres, les confient souvent à des fermiers, moyennant un cens* annuel fixe en argent ou en vin.

Le vigneron-régisseur

IL veillait au bon état des vignes, engageait les journaliers, concluait des marchés, était responsable aussi bien des recettes que des dépenses faites pour l'entretien de la vigne et de la fabrication et la vente du vin. Il était payé en argent à l'année ou recevait des sommes pour des travaux précis. Ce type de vigneron-régisseur semble n'avoir été employé que pour les vignes seigneuriales.

Le fermier

Les fermiers peuvent être vignerons eux-mêmes, cultiver les vignes seuls avec leur famille, engager de façon saisonnière ou annuelle des manœuvres-vignerons. Tous les cas de figure sont possibles et cela dépend surtout de la taille des domaines. Le fermier peut se rapprocher du «régisseur ».

Le métayer

Il exploite lui aussi la terre pour un propriétaire, mais ne lui paye pas une rente fixe. Il lui cède en général un tiers ou la moitié de la récolte, voire plus si celui-ci lui a fourni des aides ou des avances en argent dans l'année. Une métairie fait en moyenne 20 à 25 mouées. Le métayer et sa famille suffisent à son exploitation. Dans les villages du val de Metz où la propriété urbaine domine, le métayage est la règle. Ils peuvent posséder également des terres en propre qu'ils cultivent en plus de celles des propriétaires.

Le closier

Souvent confondu avec le métayer, est en fait un ouvrier agricole embauché pour une longue durée. Toute la récolte va au propriétaire, lui reçoit un salaire plus le logement et la nourriture. Il est en général logé sur la vigne même où il travaille dans une maison avec potager. Sorte de vigneron qualifié, il l'exploite, l'entretient et en est le gardien. Courantes en milieu rural, les closeries sont de plus en plus rares aux approches des villes, où la petite propriété domine. En deçà de 20 mouées, le propriétaire a plutôt recours à des ouvriers journaliers ou saisonniers.

Le vigneron propriétaire

Eux exploitent directement leurs vignes et en tirent des revenus suffisants pour entretenir leur famille. Mais dans la plupart des cas, les surfaces possédées sont insuffisantes, et le vigneron doit en plus se louer et travailler dans les vignes d' autrui comme manouvrier.

L'ouvrier vigneron ou manouvrier

Dans le vignoble proche de la ville, l'ouvrier vigneron est le cas général. Les parcelles et les propriétés sont trop petites pour subvenir aux besoins d'une famille. Par ailleurs il existe une demande certaine de bras pour faire valoir la multitude de petites propriétés appartenant à des marchands ou des artisans, et pour seconder les fermiers ou métayers des plus grands domaines.

Une foule de manouvriers payés à la journée quitte donc chaque matin la ville pour aller travailler dans les vignes proches. Les salaires varient selon le travail effectué, mais aussi selon le jour de la semaine et la période de l'année. Les vignerons se rassemblent chaque matin sur les places quand sonnent matines. Personne ne peut plus se louer après que les cloches ont sonné le second coup. L'ouvrier se rend alors pour la journée sur la vigne de celui qui l'a loué et il y demeure jusqu'au coucher du soleil, déjeunant sur place. Ce qui explique les différences de salaires selon les saisons, les journées étant plus ou moins longues. Les samedis et veilles de fêtes, les vignerons peuvent quitter leur travail plus tôt, mais sont moins payés.

Les revenus, les aides et la taxe

Les vendanges, 1900
Les vendanges, 1900
AOC Moselle
AOC Moselle

Il existe un système de paiement qui s'est répandu localement à partir du 17e et surtout au 18e siècle, et qui eut de grandes conséquences sur le statut social du vigneron.

Les aides

Ce système s'applique aussi bien aux métayers qui payent le maître en vin, qu'aux vignerons indépendants. Tous deux sont tributaires de la récolte. Toute rentrée d'argent ne peut se faire qu'après les vendanges et la vente du raisin ou du vin, mais le vigneron doit bien faire vivre sa famille jusque-là. Qu'il survienne une année mauvaise et la récolte n'est pas suffisante pour subsister jusqu'à la suivante. Dans ces cas, l'exploitant doit avoir recours à des avances en argent faites par le propriétaire des vignes ou tout autre créancier : ce sont les «aides ».

Ces aides sont remboursables après les vendanges et  en vin. Chaque année est fixé le taux de remboursement : la «taxe » des vins.

La taxe

La taxe est en fait le cours du vin pour les vignerons ayant perçu des avances en argent. Ils sont obligés de céder leur vin à ce taux à leurs «maîtres ». Plus la «taxe » est élevée, plus facilement le vigneron peut payer ses dettes. En principe, lorsqu'il a fourni au maître du vin à concurrence de la somme due (en plus de la partie de la récolte qu'il lui doit comme métayer), le reste de la production lui appartient. Mais en réalité la taxe est souvent trop basse, et il doit céder tout son vin sans parvenir à rembourser entièrement les aides qui lui ont été fournies, c'est jusqu'à 42 % d'intérêt que le créancier tire de son prêt.

La taxe des vins est donc un élément déterminant pour appréhender la condition sociale du vigneron*.

Exemple d'une «bonne métairie ordinaire » de 30 mouées (133 ares)

"Elle a produit en 1760 trois hottes et demi par mouée soit 105 hottes. Une fois déduit le tiers que le vigneron peut garder il reste 70 hottes. Les aides pour une métairie de 30 mouées sont généralement de 250 livres. La taxe du bas compte est en 1760 de 3 livres, les 70 hottes données aux propriétaires ne font donc que 210 livres et ne suffisent pas à rembourser les aides. En revanche si le vigneron avait pu vendre directement son vin, dont le prix commun était cette année-là de 4 livres 10 sols la hotte, il aurait pu en tirer 472 livres 10 sols, et le remboursement des aides ne lui aurait presque coûté que la moitié de sa récolte au lieu de plus des deux tiers."

Outils de vigneron
Outils de vigneron

Il suffit de deux années stériles qui se suivent et même le vigneron le plus aisé ne peut plus cultiver sans avoir recours à la bourse d' autrui. Il est ensuite pris dans un engrenage d'endettement par le biais de ce système des aides et de la taxe des vins qui apparaît  comme une des raisons de l'appauvrissement et de la diminution du vignoble messin au 18e siècle.

Notes :

*environ 1 ha, 1 mouée = 4,44 ares

*cens : Redevance fixe payée au propriétaire de la terre.

*Le système est expliqué en détail dans un mémoire de douze pages de 1760, Réflexions sur la Taxe des vins de Metz, par un Messin dont une partie de la fortune consiste en vignes (A.M. Metz, HH. 211, p. 1)es Archives municipales de Metz possèdent un remarquable document du 14e siècle qui donne une description détaillée des différentes tâches du vigneron journalier et le salaire pour chaque tâche.

*Le prix de la taxe est connu par une série d'affiches allant de 1693 à 1789. Il apparaît aussi régulièrement dans les chroniques. Il existe encore dans les archives de la ville de Metz .

*un tableau récapitulant le montant de la taxe de 1533 à 1829. Dans les archives de l’hôpital Saint-Nicolas sont conservées les "comptes des vignerons pour l'année 1781. On y trouve détaillé le montant des aides fournies et on constate que la plus part des vignerons redoivent à leur maître (ici l'hôpital) des sommes considérables, jusqu' à plus de 1 600 livres.

Sources

merci à  Jocelyne BARTHE  :" Vignerons, vigne et vin en pays messin"


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