#Augustine LOUIS, ouvrière en laque

Acte de naissance
Acte de naissance

LOUIS Augustine, née à Pont à Mousson  (54), le 2 juillet 1883, fille légitime de Alexandre LOUIS âgé de 30 ans, cordonnier et de Marie Barbe DUVERDIER âgée de 21 ans, sans profession

un jour, une vie...

Ancienne université
Ancienne université
Signatures, acte de mariage
Signatures, acte de mariage
Un atelier, usine Adt
Un atelier, usine Adt

Il est encore tôt ce matin de juin 1901 lorsqu' Augustine se dirige vers l'ancienne université, comme presque 300 autres femmes elle s'apprête à rejoindre son poste à l'usine Adt Frères* de Pont à Mousson.

Elle sourit, perdue dans ses pensées, et n'écoute guère les cancans des deux amies qui l'accompagnent, elle pense à Émile son promis qu'elle va bientôt épouser début septembre... il ne serait que temps !

Bien qu' enveloppée dans son châle de laine, elle sent se poser sur elle les regards réprobateurs de certaines femmes. A l'atelier la protection de son grand tablier ne lui évite pas les œillades suspicieuses de la contre-maîtresse... elle est enceinte de 4 mois maintenant et malgré sa taille fluette son petit ventre arrondit commence à bien se remarquer.

Mais aussi, comment résister au chaud regard marron de son bel Émile, en mars avant qu'il ne parte à Metz pour le conseil de révision elle a cédé ... et ne regrette rien, elle aura 18 ans dans un mois et l'avenir lui semble plein de promesses.

Bientôt, après son mariage, s'en sera fini d'être rivée 6 jours par semaine à sa table de laqueuse, cela fait déjà 4 ans qu'elle travaille dans les vapeurs nocives des vernis, d'abord comme apprentie et maintenant comme ouvrière confirmée. Émile le lui a promis, son salaire de mouleur aux fonderies de Pont à Mousson lui permettra de s'occuper de son foyer, du jardin et des enfants à venir, elle est habile de ses mains, alors peut-être fera-t elle un peu de broderie à façon.

Au moins les ateliers de finition, installés dans une partie des locaux de l'ancienne université, ne sont pas très éloignés du domicile de ses parents rue des Boulevards. Heureusement qu'elle n'a pas du aller travailler à la cartonnerie de Blénod les Pont à Mousson à 5 km, même si ce sont surtout des hommes qui sont employés à fabriquer le papier mâché.

On se presse sur le pont au dessus de la Moselle, la sirène qui appelle à l'embauche retentit déjà, près de 800 ouvriers rejoignent leurs postes de travail, hommes, femmes et enfants. Augustine est presque arrivée, elle franchit le porche, dépose son jeton de présence dans la boite, se débarrasse de son châle, enfile son tablier et prend place à une des tables du grand atelier, prête pour les longues et délicates opérations de laquage, jamais moins de 3 couches ni plus de 18.

Le carton pâte* ne sert pas seulement à fabriquer des boutons de bottines et de pantalons, on l'emploie encore pour faire des plateaux, tabatières, guéridons et mille objets qui se vendent couramment sous le nom d'articles du Japon.

Aujourd'hui, Augustine passera sa journée penchée sur des plumiers, à touches précises elle laque* la surface du papier mâché tout en prenant garde à ne pas se tacher les mains de vernis ; il contient du sumac, elle en a vu des mains de vieilles ouvrières mangées de plaques rouges qui démangent et de cloques ! Les heures s'étirent lentement sous les grandes verrières, elle rêve qu'elle aurait aimé faire partie de ces artistes à qui revient le soin d'orner de dessins cette surface polie, toute une décoration faite d'or, d'étain, de feuilles d'argent, de nacre, d'écaille de tortue, de corne de buffle ; une élite dont elle ne fera jamais partie.

Le silence est pesant dans la grande salle, à peine troublé par quelques chuchotements quand la contre-maîtresse a le dos tourné,,, gare à celle qui se fera prendre, la garce a l'avertissement facile !

Production Adt
Production Adt

Après 11 heures de travail Augustine rentre enfin chez elle.

Un petit baiser à son père et à son oncle Justin qui travaillent encore dans l'échoppe de cordonnier et elle grimpe à l'étage rejoindre sa mère pour la suite de ses corvées, comme c'est elle l'aînée des quatre filles, Jeanne la plus jeune n'a que deux ans, sa mère la sollicite beaucoup, c'est la norme, S'il lui reste un peu de temps après le repas elle travaillera à son trousseau, draps et chemises à brodés, vêtements de bébé à couper, l'ouvrage ne manque pas et le 6 septembre approche à grands pas, tout doit être près pour le jour du mariage.

Lorsqu'elle s'endort dans le grand lit, blottie contre ses trois  sœurs, Augustine ne se doute pas que de son union avec Émile Auguste LAMBERTEAUX naîtront six enfants (dont mon grand-père), que ses parents Alexandre LOUIS et Marie Barbe DUVERDIER divorceront en 1905. Elle ne sait pas encore  qu'elle connaîtra une guerre et de longs mois de séparation, qu'elle occupera pas moins de sept domiciles successifs suivant son Émile dans ses pérégrinations et enfin qu'elle mourra le 17 octobre 1936 âgée de 53 ans, quelques mois à peine après la naissance de ma mère.

Notes

Les usines Adt :

En dehors d'Ensheim, les Adt fondèrent deux autres fabriques à Forbach et à Pont-à-Mousson. Ces trois entreprises occupaient, en 1889, 2500 ouvriers.
Pierre Adt acheta une partie de l'ancienne université lorraine de la ville et y installa sa nouvelle entreprise. Il fit construire une fabrique de papier à Blénod-lès-Pont-à-Mousson, qui fournissait l'usine en matière première. Les fabriques de papier étaient toutes situées au bord d'un fleuve ou d'une rivière pour faire tourner les moulins à pâte.

Le papier mâché :

L'engouement dont le papier mâché a été l'objet au XIXème siècle, particulièrement
sous le règne de Victoria en Angleterre et sous celui de Napoléon III en France est à l'origine de sa diffusion en Occident. Il apportait alors une note d'exotisme venue d'Extrême-Orient, si prisée dans l'art nouveau.
La France se spécialisa d'abord dans les tabatières.Les catalogues ADT offraient 1.100 sortes de tabatières, les écoliers avaient le choix entre 180 variétés de plumiers. L'art de la table comprenait les articles les plus divers : plateaux, rafraîchissoirs à vin, ramasse-miettes, corbeilles à pain, dessous de plats, de carafes, des verres, au total plus de 650 articles de table et 300 sortes d'assiettes.

Ces objets s'adressaient à un large public : leur gamme était d'une
étonnante variété ; ils allaient des articles publicitaires les plus simples
aux meubles, panneaux de décoration, commodes, sièges en passant par
les plus courants.

Le laquage :

Les opérations de laquage étaient longues, elles étaient suivies après chaque couche du polissage effectué avec du schiste d'un grain très fin.
La matière de base était la sève d'un arbre d'Extrême-Orient, le rhus vernicifera de la famille des térébinthacées, utilisé au Japon. L'emploi de cette laque était difficile en raison d'une technique compliquée et d'une mauvaise réaction à la chaleur sèche. Elle durcissait en quatre heures dans une atmosphère humide (80% d'humidité relative à une température de 30 à 40° Celsius).

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