Lettre Q : qui va là ?

C'est Claude COMPAGNON, soldat de Napoléon !

Le conscrit


En ce jour de l' an XIV [1805] Claude COMPAGON, 20 ans, pense que, pour une fois il va certainement tirer profit de sa petite taille...

Il est parti tôt ce matin, pour Vaucouleurs, aucun risque d'être en retard, l'heure est grave.

C'est le jour du tirage au sort des conscrits et parmi une quarantaine d'autres jeunes hommes, il va être présenté au sous-préfet en présence des maires, de la gendarmerie et de l'officier de recrutement.

On écarte d'abord les réformés d'office: les handicapés, raisons familiales et ceux dont la taille est inférieure à 1,544 m*,

Pas de chance pour Claude, il n'est pas exempté, en cause : moins de 2 petits centimètres , il mesure 1, 56m !

Le préfet lui notifie les jours où il devra se rendre au chef-lieu du département pour la revue de départ. Il rentre accablé chez ses parents à Burey en Vaux, il sait qu'il ne coupera pas au service militaire, sa famille n'a pas les moyens de payer un remplaçant*.

Le départ

Conscrits devant le conseil
Conscrits devant le conseil

Futur soldat, il est consigné à domicile, il a tout juste le temps d'embrasser les siens, de préparer son maigre baluchon et le voilà parti. Claude doit se rendre au chef-lieu du département, Bar le duc, à 50 km de son village, c'est là que va avoir lieu la revue de départ qui va déterminer son affectation*.

Ça y est, il a sa feuille de route, il est affecté à une compagnie de voltigeurs du 55 ème régiment d'infanterie de ligne , en plus de sa petite taille il a toutes les qualités requises : vigueur, agilité et courage. Claude est content car la solde est bonne, aussi élevée que celle d'un grenadier.

Quelques jours plus tard, il entame son voyage vers le dépôt de sa future unité d'affectation.

Certains de ses camarades sont partis seuls, lui quitte la Meuse au sein d'un détachement d'autres conscrits accompagnés d'un « conducteur » un officier ou sous-officier, il ne sait pas encore bien reconnaître les grades. Certains conscrits voyagent à pied pendant des semaines, lui a de la chance car les frontières mosellanes ne sont qu'à 2 ou 3 jours de marche du chef lieu de la Meuse,


Arrivée au corps

Voltigeur, à droite
Voltigeur, à droite
Arrivée au dépot
Arrivée au dépot
15 brumaire an XIV [6 novembre 1805), Claude est arrivé à destination, à la fois excité et désorienté, tout est nouveau pour ce jeune homme plus habitué aux travaux des champs qu'à la rigidité militaire.

La vie de caserne


Visite médicale, immatriculation et inscription sur le contrôle de troupe du régiment, les formalités se succèdent à son arrivée . On lui pose des questions sur ses connaissances (écriture, notamment), et sa profession*.,, il en a la tête qui tourne !

Les soldats couchant par deux, on lui désigne son compagnon de lit (un soldat plus ancien dans la carrière des armes) qui devient son tuteur dans le monde de la caserne.
C'est ensuite le passage chez le frater (coiffeur) et la distribution des effets militaires. La journée enfin terminée Claude n'aspire plus qu'à un repos bien mérité, direction la chambrée. Ce sera en quelque sorte sa nouvelle « maison , il y dort, y mange et y apprend les théories de la vie militaire : grade, hiérarchie, salut, entretien des effets militaires et de l'armement.


Le lendemain commence l'instruction, les recrues apprennent les manœuvres à pied, l'utilisation du fusil.

Claude, en tant que voltigeur, s'exerce en plus à monter et descendre d'un saut en croupe d'un homme à cheval, à descendre avec légèreté, à suivre à pied un cavalier marchant au trot, il doit aussi savoir tirer avec une grande rapidité et beaucoup de justesse.

Le rythme est effréné, il est épuisé et rêve souvent à ses bonnes siestes dans l'herbe tendre des près de son village natal...

Moins d'un mois après son arrivée, on coupe court à son entraînement car il lui faut rejoindre son affectation de toute urgence, la bataille d'Austerlitz a fait des ravages dans les rangs des soldats et lui et ses camarades vont partir « boucher les trous ».

Le retour

Médaille de Sainte-Hélène
Médaille de Sainte-Hélène

C'est le 22 frimaire an 14 ( 13/12/1805) qu'il arrive à son corps d'affectation et le le 28 octobre 1807 qu'il en sera congédié avec pension .

A partir de cette date, je ne peux que supposer son parcours au regard de la grande Histoire : campagnes d'Allemagne, de Prusse et de Pologne, le point final a peut-être été la bataille d'Eylau le 8 février 1807 à Preußisch Eylau (de nos jours Bagrationovsk, en Russie),

Il a été blessé* et pensionné, et beaucoup plus tard décoré de la médaille de Sainte Hélène*, le registre matricule et son dossier de médaillé nous l'apprennent.

Suite et fin


De retour à la vie civile il épouse Catherine DAILLY en 1808, dans son cher village de Burey en Vaux, ils auront au moins 8 enfants, dont 5 mourront en bas âge.

Il est cordonnier, mais en 1815, en tant que vétéran il devient garde-champêtre*.

Il mourra en 1866 à l'âge de 80 ans,

Son jeune frère, Charles né en 1788, servira à son tour au 55e régiment d'infanterie de ligne du 24 juillet 1807, soit 3 mois après le retour de Claude, au 10 mai 1811, comme remplaçant d'un plus fortuné .

Notes

*Affectation : La taille, la vigueur physique, la profession sont autant de critères qui désignent les jeunes hommes pour l'infanterie, la cavalerie, l'artillerie ou un corps d'élite. La cavalerie est réservée aux plus grands (1,65 à 1,76 m), tandis que ceux qui n'atteignent pas ces tailles - une bonne majorité - sont dirigés vers l'infanterie ou l'artillerie. Les jeunes hommes connaissent désormais leur régiment d'affectation et reçoivent leur feuille de route.

*Le remplacement : Depuis 1800, il permet, en échange d'une somme d'argent, au plus fortuné de demeurer auprès de sa famille en trouvant une recrue qui part à sa place. À cette somme, il faut ajouter l'indemnité forfaitaire à payer au gouvernement pour prix du remplacement. Au fil de l'Empire, le prix du remplacement ne fait qu'augmenter et seules les familles les plus riches peuvent se permettre un tel luxe. Cependant si le remplaçant déserte, est tué, ou à son tour est appelé, c'est le remplacé qui revient en lice pour le départ.

*Taille : Jusqu'en l'an XI le minimum requis était de 1,598 mètre, le décret du 29 décembre 1804 l'abaisse à 1,544 mètre. L'instruction générale sur la conscription du 1er novembre 1811 abaisse encore la taille à moins de 1,488 mètre.

*Les métiers de l'artisanat (cordonnier, bottier, tailleur, couturier, maréchal-ferrant, ...) et les métiers de bouche (boulanger, cuisinier, etc.) sont en effet très utiles dans un régiment, à la caserne ou en campagne.

*Les blessés demeurent là où ils sont tombés, s'ils ne peuvent s'écarter du lieu du combat par leurs propres moyens : la règle est formelle. A la veille de chaque bataille, l'ordre du jour, ne manque pas de rappeler qu'il est interdit sur l'honneur de quitter les rangs au cours du combat pour porter secours aux blessés, et encore plus de les transporter à l'arrière.
Ces malheureux doivent donc attendre que la bataille s'éteigne pour espérer un secours.

*La médaille de Sainte Hélène, créée par Napoléon III, récompense les 405000 soldats encore vivants en 1857, qui ont combattu aux côtés de Napoléon 1er pendant les guerres de 1792-1815. On estime qu'environ quatre cent cinq mille soldats5 de la Grande Armée de Napoléon (Français, Belges, Polonais, Danois, Irlandais, etc.) en bénéficièrent. La médaille n'a pas été décernée à titre posthume et son attribution reposait sur des critères stricts, tout en concernant de nombreuses personnes. On devait avoir servi aux armées de terre ou de mer françaises entre 1792 et 1815, sans aucune durée de service requise, ni aucune participation à une campagne. Il fallait obligatoirement pouvoir justifier de son service durant cette période à l'aide de tout document émanant des autorités militaires. Si l'ancien militaire possédait encore son livret militaire, son congé définitif ou de réforme, son mémoire de proposition à la retraite, il y avait droit. Ceux qui avaient perdu tous ces documents ne pouvaient pas y prétendre.

*Garde-champêtre : En 1800, dans un soucis d'assagir les campagnes, Napoléon 1er a crée la fonction de garde- champêtre et donnera la priorité aux vétérans pour occuper ce poste.

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