Lettre P : petites histoires / piccole storie

ou l'importance de la transmission orale.

Ma mère, dernière dépositaire de l'histoire de la branche lorraine, s'en est allée il y a trois ans ; me reste encore un oncle pour la branche italienne, le frère aîné de mon père, âgé de 94 ans, il vit en Italie, et ses souvenirs sont un peu confus.

Mais attention à ne pas confondre récits et « légendes » familiales qui demandent à être soigneusement vérifiées. Parfois, à tout prendre pour argent comptant, on peut se trouver, au mieux, face à de désagréables surprises, au pire face à des faits complètement fantaisistes.

On ne soulignera jamais assez l'importance de la transmission orale en généalogie.

Nos grands-parents, parfois arrières grands-parents pour les plus chanceux, oncles et tantes sont dépositaires d'un savoir familial qui, un jour, sera hors de notre portée si on ne se dépêche pas de le recueillir à temps.

Avec le recul, combien de fois n'ai-je pas regretté de n'avoir pas pris de notes, posé les bonnes questions ou tout simplement creusé un peu plus un sujet, car aujourd'hui il n'y a plus personne à questionner.

Maman à droite, 1956
Maman à droite, 1956

Les légendes familiales

Pont à Mousson, 1903
Pont à Mousson, 1903

A titre d'exemples, deux rumeurs qui courent dans ma famille...

Émile

L'une d'elle concerne mon arrière grand-père maternel, Émile, nous sommes donc en Lorraine dans les années 1910.

Tout comme son père, Auguste, avant lui, Émile a été mouleur vers 1895 aux Fonderies de Pont à Mousson, on le retrouve en fin de carrière, vers 1945, contremaître de fonderie aux Forges et Aciéries de Pompey.

Mon grand-père m'a raconté que durant son enfance sa famille a traversé des moments très difficiles : Émile son père, ne trouvait plus de travail car il avait été « remercié » des fonderies et « black listé » en raison de son implication dans un mouvement syndical... il en aurait même été l'instigateur. La famille a du déménager à de nombreuses reprises pour élargir les possibilités d'emploi du père .

En observant les lieux de naissance des enfants, on voit qu'effectivement la famille s'est déplacée:

1901 Pont à Mousson,

1903 Blénod les Pont à Mousson,

1907 Ars sur Moselle,

1921 Pompey,

Ars sur Moselle commune de Moselle, cela signifierait-il que son licenciement est survenu aux fonderie de Pont à Mousson et qu'il a du franchir les limites départementales pour retrouver du travail ? Cela irait dans le sens du récit de mon grand-père.

Quant à la piste syndicaliste, je ne saurait dire... peut-être Émile a-t'il simplement participé à une grève ou bien était-il réellement un syndicaliste très impliqué ? Pour répondre à ces questions, Il me faudrait accomplir un colossal travail de recherche en archives ce que je n'ai pas encore eu l'occasion de faire.

Rinaldo, 1960
Rinaldo, 1960

Rinaldo

L'autre rumeur concerne mon grand-père paternel, Rinaldo, nous sommes en Italie sous Mussolini et au cours de la deuxième guerre mondiale.

Mon père et ma grand mère, (mon grand-père n'en parlait jamais), m'ont rapporté qu'étant communiste Rinaldo a du passer une bonne partie du temps sous Mussolini et la majeure partie de la guerre caché, afin d' éviter les persécutions qu'il aurait subies en raison de ses opinions politiques : il aurait fini par être envoyé en Libye puis en Éthiopie contre sa volonté.

D'autres membres de la famille, eux, affirment que c'était simplement parce qu'il « avait un poil dans la main » et ne voulait pas aller travailler !

Il a bien adhéré au parti communiste italien toute sa vie durant, c'est un fait avéré.

En 1925, Rinaldo épouse Louisa, il a 27 ans. Des enfants naissent tous les 2/3 ans jusqu'en 1930, naissance du troisième enfant. Ensuite il y a un « trou » de 6 ans ce n'est qu'en 1936 que naît le quatrième enfant et le dernier en 1943 à la chute du régime mussolinien, soit un autre « trou » de sept ans.

Il est tentant de rapprocher ces deux périodes de six et sept ans ,des absences du père de famille et en les confrontant aux évènements de la Grande Histoire italienne cela se tient.

Mais hélas,  je crains bien de ne jamais connaître la vérité   vraie !

Les récits

Enzo, 1962
Enzo, 1962
Nona Luisa, 1970
Nona Luisa, 1970
René à gauche, Joséphine à droite
René à gauche, Joséphine à droite

J'ai eu la chance d'avoir des conteurs fabuleux dans ma famille, en premier lieu mon père, mon grand-père et ma grand-mère lorrains et dans un autre registre ma grand-mère italienne, nona : elle m'a transmis de nombreux contes et légendes de Toscane et l'amour de la cuisine familiale de son époque.

Enzo

Mon père Enzo me racontait sa vie d'enfant et d'adolescent dans un petit village de Toscane, entre 1930 et 1945. Grâce à ses récits s'est dessiné une vision assez précise de la vie quotidienne des classes populaires à cette époque. Les relations aux parents et à la fratrie, à l'école, aux loisirs et aux travail, aux amis aussi,etc ... j'appelais cela « les Histoires du Petit Enzo » et ne me lassais pas de les entendre encore et encore !

René et Joséphine

Mes grands-parents lorrains qui sont nés tous deux en 1903 en Meurthe et Moselle abordaient les mêmes sujets et me parlaient également de leur rencontre et de leurs parents.

Joséphine, ma grand- mère, enfant et jeune fille sage et très intelligente, artiste, était cantonnée aux travaux domestiques et à la préparation de son futur trousseau, avant de finir en usine après un Certificat d'étude brillamment obtenu. Faute de moyens financiers elle ne pourra pas poursuivre d'études supérieures malgré l'intervention de son institutrice auprès de ses parents. La condition des femmes n'était pas tendre dans ces années là.

Mon grand-père René, me dépeignait à touches précises la vie quotidienne d'un enfant et jeune homme déluré et galopin. Adepte de l'école buissonnière, il était souvent en retenue à l'école au pain sec et à l'eau! Sa famille bien que dans le monde ouvrier, avait gardé des habitudes très rurales : on cultivait un jardin, la basse-cours et le cochon, qu'on tuait une fois l'an, venaient améliorer l'ordinaire.

Par eux j'ai appris aussi que les femmes, dont la profession est rarement mentionnée sur les actes, avaient fréquemment un travail d'appoint à la maison. Mon arrière grand-mère, la mère de Joséphine, était tisseuse de perles.

Toutes ces anecdotes mettent de la vie dans un arbre généalogique et ces personnes ne sont plus des inconnus. Quand je vois leurs noms, je sais qui ils ont été et ce qu'a été leurs vies et là est tout le charme de la généalogie.

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