#La tante Marcelle se marie

Il y a quelques jours, j'ai décidé de retoucher de vieilles photos de famille, scannées depuis longtemps et oubliées dans un recoin de dossier de mon ordinateur !

Mariage Marcelle et Roger, Frouard 1928
Mariage Marcelle et Roger, Frouard 1928

Et en regardant les photos du mariage de celle que toute la famille appelait la tante Marcelle - bien qu'en réalité elle soit ma grand-tante - j'ai vu cette petite fille blonde, au premier plan, semblant se dandiner d'un pied sur l'autre. Elle était une des deux seules enfants présentes et comme tous les enfants lors de cérémonies concernant les adultes, sont attitude dénotait un ennui profond, je la sentais prête à s'échapper de cette photo solennelle pour retourner à ses jeux et rires de petite fille !

En zoomant sur le visage de Liliane, c'est son nom, la sœur aînée de maman, notre ressemblance m'a sautée aux yeux... je suis un clone de ma tante au même âge !

Bien sûre je n'étais pas encore née, mais cela aurait pu être moi qui fixait l'objectif d'un regard résigné, d'ailleurs n'était ce pas moi en réalité ?

Deux enfants réunies en une seule personne par de là l'espace et le temps...

C'est le grand jour, ma tante Marcelle se marie.

Elle a mis sa jolie robe de princesse, une couronne de fleur sur ses cheveux - pas des vraies, on est en hiver - et elle a aussi un beau manteau avec de la fourrure blanche au col et aux poignets, un chapeau cloche pour après, on dirait une de ces dames sur les affiches de cinéma. A la fin de cette journée elle quittera la maison de pépé et mémé pour aller vivre chez le nonon Roger, c'est ça « être marié », on s'en va ailleurs.

Parce qu'il va être mon tonton, on m'a dit d'appeler le monsieur nonon Roger, même si je ne le connais pas bien et qu'il me fait un peu peur... il est très grand, il est bizarrement habillé, pas comme pépé Constant, ses yeux sont sévères et il me fait sa grosse voix quand je cours partout dans la maison, j'espère qu'il ne fera pas pareil avec ma tante !

La tante Marcelle est la petite sœur de maman Joséphine, elles sont belles et drôlement élégantes avec de belles manières. C'est pour cela que le nonon Roger est amoureux de ma tante, j'ai bien entendu l'épicière dire: « pour des filles d'ouvrier on dirait des filles de la Haute ! » j'ai pas bien compris mais ça doit vouloir dire qu'elles sont très jolies parce que les gens affirment que maman et tante sont les plus belles filles de Frouard.

Il va y avoir beaucoup de monde et on ira au restaurant, ça a l'air bien même si je ne sais pas ce que c'est, un endroit où on mange des bonnes choses, tante m'a lu tout ce qu'il y aura à table, que des noms compliqués, pff jamais je ne pourrai avaler tout ça !

Monsieur et Madame LABOUYGUE, le papa et la maman de nonon Roger, seront là aussi,,,je les aime pas trop bien, ils ont toujours un air renfrogné, mais faut pas le dire, ce n'est pas poli m'a dit mémé Jeanne.

Je crois qu'ils ne voulaient pas que le nonon Roger soit l'amoureux de tante Marcelle...

Un soir j'étais sous la table de la cuisine avec ma poupée, les grands m'avaient oubliée et ils ont commencé à faire les grosses voix. Maman et papa disaient : « ces bourgeois ! ils se croient trop bien pour nous parce qu'ils ont du bien, il n'y a pas de honte à être ouvrier ! », mémé Jeanne pleurait : « les petits n'iront même pas à l'église, juste à la mairie de quoi auront nous l'air, les gens vont s'imaginer des choses,,, » et pépé Constant de répondre : » Tous des bouffeurs de curés dans cette famille à quoi tu t'attendais ? » Moi j'ouvrais de grands yeux terrorisés,,,ils mangent Monsieur le curé... et les petits enfants aussi peut-être ?


Et puis il y a le Grand Secret mais chut !

C'est une surprise, je ne sais pas si je peux en parler, peut-être un peu... si vous me promettez de rien raconter...

Bien cachés dans la grange de pépé et mémé, il y a les tombereaux, hier soir on les a décorés avec des branchages et des herbes sauvages, des jolis nœuds, on a mis de la paille et des chaises dedans, c'était marrant.

Tout à l'heure, avant l'arrivée de tous les invités, papa, pépé et le nonon Roger iront chercher les chevaux, six, un cheval par chariot. Il y aura aussi des co... ha, voilà des chochers habillés comme s'ils allaient à un grand bal et on embarquera la famille et les proches en cortège jusqu'à la mairie. C'est l'idée de la tante Marcelle et du nonon Roger, un pari qu'ils ont fait avec des amis.

J'ai hâte.

A la mairie, tout le monde pleurait, enfin surtout les dames, c'était long. Si ça rend tout le monde si triste je crois que je ne me marierai jamais, c'est pas drôle !

On a tout de même bien rit tout le long du cortège, je vais laisser la parole au journaliste de l'Est es jeunes Républicain pour vous raconter l'événement :

«...la récréation due à l'initiative des jeunes époux eux lieue samedi dernier à 17 heures. Cette noce originale qui mit en gaieté tout le monde sur son parcours... se résumait en un transport du jeune couple et de sa suite, composée d'une trentaine de personnes, dans six tombereaux des mieux parés et attelés chacun d'un cheval et conduits par des cochers en tenue de cérémonie.

Naturellement le fou rire des deux côtés ne cessa pas un instant durant tout le trajet et surtout devant l'hôtel de ville, lorsque un des cochers eut la fameuse idée de basculer son tombereau pour opérer une descente précipitée des occupants, afin de ne pas retarder la marche du cortège qui se rendait dans le grand salon où Mr le Maire les attendait. Aux jeunes époux, dont l'initiative est sans précédent dans la localité et les environs, nous adressons nos meilleurs vœux de bonheur. » (L'Est Républicain du 20/02/1820)

Exemple de dîner de mariage, 1930
Exemple de dîner de mariage, 1930

Roger Guillaume LABOUYGUE et Berthe Marcelle MANGEOT se sont mariés le 18 février 1928 à Frouard, Meurthe-et-Moselle. Elle a 20 ans et lui 26.

Mes arrières grands-parents, "pépé Constant" et "mémé Jeanne":

Constant  MANGEOT  et Jeanne Libaire PASTEL, se sont mariés en 1901 à Dombasles (54), outre Marcelle en 1907 et Joséphine (ma grand-mère) en 1903 , ils auront aussi deux garçons : Constant Émile en 1904 et Georges en 1905.

"Pépé Constant" a d'abord été ouvrier mineur puis contre-maître de fonderie.

Ma tante et marraine Liliane, dite Doudou nous a quitté en 2010.

Nous voilà enfin tous réunis devant le restaurant pour une photo, laissez moi vous présenter quelques personnes.

Au premier rang à gauche il y a les LABOUYGUE, viennent ensuite les mariés le Roger et la Marcelle, le moustachu à côté de la mariée c'est mon pépé Constant avec ma mémé Jeanne.

Au deuxième rang toujours à gauche, à côté du premier couple, mon papa René et ma maman Joséphine. D'autres oncles et tantes, des cousins, des amis dont j'ai oublié les noms et qu'il serait un peu long de vous énumérer.

Et moi, Liliane qui vais reprendre ma place dans cette photo, libérant par la même occasion ma nièce,  dont je ferai réellement la connaissance quelques trente années plus tard.

Notes :

"Nonon" : en Lorraine on donne fréquemment ce petit nom affectueux à un oncle.

La / Le : l'emploi de l'article "le" ou "la" devant le prénom est habituel dans l'est de la France : LA tante Marcelle, LA Marcelle !

Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer