Lettre M : mezzadria

Mezzadria, coloni : le métayage en Toscane


De Pistoia à Pisa en passant par Lucca, à la lecture d'actes concernant mes ancêtres italiens, j'ai souvent trouvé ce métier : colono ou colona pour l'épouse.

En français colon ,,, »Personne qui a quitté son pays pour aller exploiter une terre, faire du commerce, etc., dans une colonie «

Bon, ça ne colle pas du tout, qu'en dit un dictionnaire italien : « Chi occupa e abita territori non propri, coltivandoli « ...Un colono est un cultivateur sous contrat, il a souscrit des obligations dans une forme de métayage particulière à l'Italie centrale (Marches, Ombrie, Toscane) : la mezzadria.

Un peu d'histoire...

Plan d'un podere
Plan d'un podere
Casa colonica e coloni
Casa colonica e coloni

Les premiers contrats de mezzadria apparaissent en Toscane, dans les premières décennies du XIIIe siècle..

Ces contrats ont vu le jour quand les grandes familles bourgeoises des villes ont voulu réinvestir leurs capitaux dans la terre. A la fin de ce siècle, la situation économique de la Toscane décline et investir dans la terre devient une solution pour préserver la puissance des grands lignages citadins . Apparaissent alors de vastes domaines cultivables.

Ces contrats perdureront jusqu'en 1964 et ne seront interdits qu'en 1974.

En 1982, l'état italien impose la conversion de ceux encore existants en contrats de loyer ou coltivatore diretto, à la demande d'une seule des parties.

XVIII ème au XX ème siècle

De la fin du XVIIIe siècle à nos jours, on tenta plusieurs fois de réduire à un type unique toutes les formes locales de la mezzadria : ces tentatives échouèrent, et la loi écrite dut se borner à reconnaître quelques principes généraux, que l'usage avait déjà consacrés.

Le Code civil italien, en abrogeant les statuts locaux, a cependant respecté les coutumes. il n'en prescrit l'application que dans le cas où n'existerait ni coutume, ni convention. : « Sur tous les points qui ne sont réglés ni par les dispositions précédentes, ni par des conventions expresses, on observe, dans le contrat de mezzadria, les coutumes du lieu (art. 1654). »

Être colono au quotidien de 1800 à 1920

La base du contrat

Le contrat de métayage, ou, mezzadria, varie dans la forme, non seulement de province à province, mais encore de commune à commune et même d'un domaine à l'autre ; seul le principe en est constant : le propriétaire apporte son capital, le colon ou mezzadro son travail ; les dépenses et les profits sont à moitié/moitié.Le contrat, rarement rédigé par écrit, se renouvelle par tacite reconduction Le mezzadro représente toute la famille appelée famiglia colonica.

Ces contrats de mezzadria, en général, sont d'une durée de un à cinq ans, bien qu’en Toscane à partir du 19eme siècle les baux se limitent à un an. Le propriétaire et le métayer peuvent se donner congé l'un à l'autre avant la fin de novembre, et la métairie doit être quittée le 1er mars suivant.

Le propriétaire

Il met à disposition du cultivateur des terres, une habitation, une ou des dépendances , le bétails et les outils nécessaires aux travail et dirige l'exploitation agricole, par lui-même ou par ses agents. Il supporte seul les frais de transformation ou d'aménagement du sol nécessaires à l'introduction des différentes cultures.

Le colono

Il fournit sa force de travail (et celle de toute sa famille), les petits outils, il se conforme aux directives du propriétaire pour tout ce qui concerne les travaux, l'exploitation du domaine. Il supporte la moitié des dépenses relatives à l'achat des engrais, à la rémunération des ouvriers auxiliaires (bracciante) que réclament certains travaux.

Dans quelques provinces, il paye la moitié des impôts ; dans d'autres, les impôts restent à la charge du propriétaire.

Pietro, Angelica et leurs descendants

Pietro BRESCHI, son épouse Angelica CAI et au moins 4 de leurs enfants composent ce que l'on nome une « famiglia colonica ».

  • Vers 1850 à environ 1865 ils occupent un podere* dans la campagne Pistoiese ,
  • vers 1899 on retrouve une partie du noyau familial, toujours colono, à Pise dans la paroisse de San Stefano fuor le muri,
  • vers 1907, ils sont à Nozzano (Lucca), encore une fois en mezzadria
  • à partir de 1920, la famille au sens large du terme, enfants, petits enfants et anciens survivants s'installent sur un podere de Vecchiano (Pi),

Sont-ils partis de leur plein gré pour de meilleures opportunités ou est-ce les "padroni " qui ont mis fin à leurs contrats ? Le mystère reste entier, on ne peut qu'imaginer...

Casa colonica
Casa colonica

Droits et devoirs des coloni et padroni

La famiglia colonica

La dimension de la famille occupant un podere est très variable, d'un siècle à l'autre et selon l'étendue des terres cultivables,

Aux XIX et XX ème siècles il était fréquent qu'une vingtaine de personnes vivent sous le même toit, Il s'agissait de familles composées de plusieurs frères et leurs familles, avec plusieurs ascendants et collatéraux. Assez souvent, on trouve également un ou plusieurs valets - le garzone . Le garzone pouvait être soit un enfant abandonné mis en nourrice, soit l'enfant d'autres coloni trop pauvres pour l'élever.

On a affaire à une famille très hiérarchisée, patriarcale : à sa tête, le capoccio* (en Toscane) dont l'autorité est indiscutable. Il organise le travail journalier de chaque membre, personne n'ayant le droit de travailler ailleurs que dans le podere. C'est lui le gérant de cette petite communauté, car, même si une famille se compose seulement du père, de la mère et des enfants, ceux-ci sont intéressés dans l'exploitation, et quand ils quittent le domaine pour se marier ou pour une autre raison, on liquide leur part et on la leur remet, ordinairement en objets mobiliers

Une maîtresse de ménage nommée massaja. administre la maison et de la basse-cour.


Selon le censimento de 1841

  • Vecchiano (PI),

les LUCCAFERRO, vivent à 17 personnes dans la casa colonica n° 107 : 2 couples dans la quarantaine, deux anciens de 80 ans et plus, 11 enfants.

  • Castelfranco di sotto (PI),

les CARLI, eux ne sont que 9 au n° 345 : le père et la mère, un fils marié et son épouse, 4 enfants de moins de 12 ans et une fille de 22 ans célibataire,

Chaque tenure (podere) est cultivée par une famille de paysans, qui vit sur le fonds et souvent s'y maintient pendant plusieurs générations .

En Toscane, les grands domaines, comme les moyennes propriétés sont, pour la plupart, divisés en petites tenures (fondi) de superficie à peu près égale.

Quelques exemples

En Toscane, un métayer ne peut pas marier sa fille sans l'accord du propriétaire alors qu'ailleurs, le mariage n'est permis qu'à un seul des fils du mezzadro .

Le propriétaire peut exiger de chaque colono un certain nombre de corvées, quelques prestations en œufs, beurre, ou volaille.

Le propriétaire vénitien ou romagnol considère son métayer,comme un associé ; le propriétaire de Basse-Lombardie traite le sien en domestique . A quelques exceptions près, les relations entre propriétaires et mezzadri étaient à peu près cordiales mais de type patriarcales.

Dans les mauvaises années, le propriétaire subvenait aux besoins de ses paysans, Il existe entre eux un compte courant qui se résume par une créance en faveur tantôt d'une partie, tantôt de l'autre. Le propriétaire est le banquier du colono soit qu'il lui fasse des avances, soit qu'il garde les sommes que le paysan a épargnées. Les règlemens de compte se font à la fin de chaque année. On détermine la créance ou la dette du métayer, on l'inscrit sur le livre d'administration du propriétaire et sur le livret du capoccio* ; la créance ou la dette résultant de ces comptes ne porte aucun intérêt.

Quand un métayer venait à mourir, laissant une femme et des enfants en bas âge, il était très rare autrefois que le propriétaire leur enlevât la métairie ; il la faisait exploiter au moyen de domestiques de ferme (garzoni), supportait tous les frais de la culture et de l'entretien de la famille, se créditant seulement à son compte courant de toutes les sommes qu'il dépensait.  Mais plus tard, les enfants devenus adultes remboursaient peu à peu au propriétaire toutes ces avances.

Casa colonica toscana
Casa colonica toscana
La massaia
La massaia

Lexique

Podere : comprend les terres cultivables ainsi que toutes les structures nécessaires permettant d'héberger durablement la famille et permettre une activité agricole suffisante au besoins d'une famille Le podere est nécessairement doté d'une Casa colonica, de diverses remises à outils agricoles, animaux (bétails), cantine, fromagerie ainsi que d'autres investissements nécessaires à améliorer la productivité de la terre : vigne, plantations, puits, moulins et système d'irrigation.

Casa colonica : La casa colonica est un terme italien qui définit une maison rurale habitée par une famille assujettie au contrat de mezzadria avec le propriétaire. Souvent le contrôle de la casa colonica n'était pas effectué par le propriétaire mais par une personne de confiance appelée « fattore »,La couleur typique extérieure de la casa colonica était le rouge, parfois avec un cadre blanc dans lequel étaient indiqués le nom du propriétaire et le numéro de la colonie. Il n'existe pas un modèle unique de Casa colonica, sa structure dépend de multiples facteurs dont sa fonction principale, sa localisation géographique, le type d'exploitation concernée, la composition de la colonie, etc.

Prima nota : Le colon est obligé de tenir à jour un registre dans lequel il note toutes les dépenses et tous les revenus. Ce registre est tenu à disposition du propriétaire qui devra approuver les écritures.

Fattore : administrateur ou régisseur d'un domaine

Fattoria : ferme, domaine de moyenne à grande importance (de 5 à plus de 100 hectares) comportant souvent plusieurs poderi.

Villa padronale : maison du propriétaire de la fattoria, il n'y vivait pas toujours, parfois c'était sa "résidence secondaire".



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