Lettre S : spatz,schlouc,schnesse et les autres

... les mystères d'une langue.

Ne vous-êtes vous jamais demandé quelle langue pouvait bien parler vos ancêtres au cours des siècles passés ?

En bonne Mosellane, pour moi certains mots ou expressions vont de soi...

Mais, Clanche la porte, je voudrais un schneck, boire un petit schlouc, c'est tout câgneux, passes moi mes schlappes ou ça geht's font ouvrir de grands yeux à mon compagnon marseillais ; même le correcteur orthographique s'y perd !

Expatriée dans le Gard depuis de nombreuses années, il m'arrive pourtant encore assez fréquemment d'émailler une discussion de ces termes « barbares » à l'oreille de mes interlocuteurs.

Ces mots, soit de patois lorrain-roman ou de platt *(lorrain-francique), font partie de mes racines.

Du XVème au XXème siècle, dans ce qui est l'actuelle Moselle, comment s'exprimait-on ?

L'abandon définitif du lorrain roman et le recul du platt


Les Lorrains, mais surtout les mamans lorraines vont très vite comprendre que le français est la langue de la promotion sociale et imposer cette langue aux enfants dès leur plus jeune âge.. A ce moment là, le lorrain roman est encore connu de tous mais la majeure partie des ruraux lorrains parlent français*, hors zone francique.

Cette zone de bilinguisme s'est maintenue au cours des siècles, bien que plusieurs événements aient contribué au recul des dialectes mosellans germanophones au profit de la langue française :

  • La Guerre de Trente Ans (1618-1648), qui laisse la Lorraine dévastée, pour la repeupler viendront des colons de Picardie, de Bourgogne, de Suisse ou de Savoie, tous s'exprimant en français ou en patois romans ;
  • l' ordonnance royale de 1685, par laquelle Louis XIV n'autorise que le français pour les actes officiels ;
  • la Révolution de 1789, à la suite de laquelle les divers gouvernants conseillent fortement l'usage du français.

Lorrain roman ou francique ?

Il semblerait qu'il y ait une frontière assez marquée entre langue germanique et langue romane.

Elle court de la Mer du Nord aux Alpes. Cette ligne imaginaire traverse la Belgique, le Luxembourg, le Nord-Est de la France et la Suisse, faisant fi des découpages politiques et de la géographie.

En Lorraine, elle part de la frontière luxembourgeoise pour aboutir aux Vosges selon un tracé Nord-Ouest / Sud-Est d'une centaine de kilomètres.

La frontière linguistique se faufile entre les villages, créant de part et d'autre deux espaces clairement définis où l'on s'exprimait jadis soit en parler roman, soit en dialecte germanique.

Avant que le français ne s'impose dans les campagnes, le patois lorrain, dérivé de la langue romane, était parlé à l'ouest de cette ligne théorique, alors qu'à l'Est c'est le « platt » qui prédominait.

Le Lorrain francique ou platt*

Le « platt » aurait été parlé en Moselle depuis environ 1 600 ans, il serait issu des parlers celto-germaniques de la Gaule Belgique.

La genèse de la frontière entre les langues romane et francique date du XIXème siècle : elle a été élaborée les allemands .
Les dialectes germaniques mosellans actuels, ceux de Thionville, Sarreguemines, Phalsbourg ou Sarrebourg, dérivent des parlers des peuples belges germanophones qui étaient installés sur le sol de la Moselle actuelle bien avant l'arrivée de Jules César en Gaule.

Le lorrain roman

Le lorrain ou plus précisément le lorrain roman est une langue d'oïl. Ce terme désigne l'ensemble des dialectes romans de Lorraine qui sont par ailleurs devenus très peu usités au début du XXIe siècle .

Sous l'ancien régime, en Lorraine encore indépendante, l'enseignement était une affaire religieuse. Dès le début de XVIIe siècle, L'évêque de Toul exigea que chaque paroisse ait une école. Les « régents d'écoles » formés en français enseignèrent à leur tour en français. Si les enfants continuaient à parler le patois, ils intégrèrent beaucoup de néologismes d'origine française à leur langue maternelle. Il est probable que beaucoup de mots lorrains phonétiquement proches du français ont vu leur prononciation s'infléchir en faveur de ce dernier à partir de ce moment.

"Les Lorrains sont divisés en deux camps :ceux qui n'estiment que le lard fumé et ceux qui le veulent simplement salé [...] Cette différence de goût a parfois manqué d'amener des brouilles sérieuses dans plus d'un ménage et j'ai vu, dans une famille, mettre alternativement au pot, une semaine un morceau de lard fumé

et la semaine suivante du lard salé, car Madame était de l'Ouest et Monsieur originaire de l'Est n'entendait pas raillerie sur un sujet si important. Ainsi le soleil et la lune se partagent aimablement l'éclairage du monde."

Auricoste de Lazarque, auteur d'une Cuisine messine (1890)

.

Notes

*Emile Guelen distinguait en 1939 trois variétés qu'il avait nommées Westmosellothringisch, NiedlothringischN 2 et SaarlothringischN 3,3. L'auteur désigne globalement les trois formes linguistiques du francique utilisées en Lorraine, soit d'Ouest en Est :

  • le francique luxembourgeois (ou Westmosellothringisch)

  • le francique mosellan (ou Niedlothringisch)

  • le francique rhénan lorrain (ou Saarlothringisch, variante du francique rhénan)

*Les monographies écrites dans chaque commune en prévision de l'exposition universelle de 1889 fournissent de précieux renseignements pour évaluer l'état de la langue régionale

Sites

Pour la gourmandise : https://www.le-lorrain.fr/blog/2017/03/06/recette-de-vraie-potee-lorraine/

Patois lorrain roman : https://cherbe.free.fr/patois.php

Lorrain francique : https://expressionsmoselleest.blogspot.com/


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